Deux lépreux demandant l’aumône, d’après un manuscrit de Vincent de Beauvais (xiiie siècle)
Selon le Professeur Jean-Louis Blanc « Marseille, jusqu’à la fin du XVIIe siècle, ne disposait pas d’établissement pour recevoir ceux que l’on appelait alors les fous, puis ensuite les insensés et enfin les aliénés. A l’Hôtel-Dieu il n’existait pas de lits réservés à ce type de malades. Les nobles, les familles aisées gardaient leurs malades à domicile, les séquestrant pour les cacher aux regards des autres, ou dans le meilleur des cas les plaçant dans les cloîtres et les monastères aux bons soins des religieux, contre un legs ou une pension suffisante. Certaines confréries religieuses prenaient en charge quelques insensés ainsi que quelques indigents ou des esclaves en fuite. Quant aux insensés pauvres, ils erraient librement dans les rues causant bien souvent des troubles à l’ordre public. L’idée de créer une structure destinée à ces malades se fit jour peu à peu dans le but de protéger la société, mais également de venir en aide à ces malheureux.
Plan de 1784
A Marseille, la première prise en charge connue pour les insensés revient à un prêtre, Antoine Garnier, qui en 1671 reçut chez lui, moyennant une pension versée par leur famille, quelques malades mentaux. Pour les indigents, les frais étaient assurés par la ville. C’est ainsi que l’œuvre du père Garnier fut très vite connue et les locaux devinrent rapidement insuffisants. A tel point que certaines familles, notamment celles des communes avoisinantes, venaient la nuit abandonner leurs fous devant sa porte. Aussi les maires et les échevins de Marseille proposèrent-il au père Garnier d’accueillir, en attendant qu’un établissement public soit construit, tous les malades mentaux dans deux vieilles maisons situées hors de la ville. En 1692 l’abbé Garnier s’occupait ainsi de 16 insensés. Le nombre des pensionnaires augmenta très vite et il fut décidé de transformer l’ancienne léproserie de Marseille en établissement d’accueil pour les insensés. Cette léproserie, située hors de la ville au quartier Saint-Lazare sur la route d’Aix, avait été créée au XIIe siècle pour accueillir les lépreux revenant des croisades. Plus tard, lorsque la lèpre disparut, le bâtiment reçut quelques incurables avant d’être abandonné en 1676. Le conseil municipal acheta le 14 juin 1698 la partie la moins délabrée de cette léproserie, appelée hôpital Saint-Lazare, et en avril 1699, Louis XIV, reconnut par lettres patentes signées par Colbert, l’hôpital des aliénés de Marseille « pour les personnes qui se trouvaient malheureusement aliénés d’esprit, extravagant et souvent furieux, pour leur donner quelque secours, dans leur misère et prévenir les désordres qu’elles peuvent causer. » On appela ce nouvel établissement l’hôpital des insensés, plus connu des Marseillais sous l’appellation de « la maison des fous ». Il fut sur le plan administratif réuni à l’Hôtel-Dieu et le 30 janvier 1699 ; 29 pensionnaires (13 hommes et 16 femmes) y furent accueillis par l’abbé Garnier ».
Ancien emplacement de la léproserie
Cette maladrerie de Saint Lazare était tenue par les chevaliers de Saint-Lazare, ou Lazaristes, qui avaient pour mission de s’occuper des lépreux qui étaient rassemblés dans des ladreries afin que le mal ne se propage pas, car on en ignorait la thérapeutique à l’époque. Au début du xiiie siècle, le testament du roi Louis VIII dénombre 2 000 léproseries dans le Royaume de France, c’est-à-dire sur un territoire plus restreint que celui de la France moderne. On trouvait ces léproserie au bord des routes et leurs chapelles étaient souvent dédiées à Saint Lazare ou à Marie-Madeleine. L’ordre de Saint-Lazare de Jérusalem, ou ordre des hospitaliers de Saint-Lazare de Jérusalem, était un ordre hospitalier fondé à Jérusalem aux xie ou xiie siècle pour accueillir les pèlerins atteints de la lèpre, il ouvrira ses portes aux croisés et chevaliers lépreux pendant les croisades nommés Lazarites. Certains de ses chevaliers lépreux participent à la défense des états latins d’Orient. Après la perte de la Terre sainte, l’ordre se regroupe en France autour de son grand maître à la commanderie de Boigny-sur-Bionne jusqu’à la confiscation de tous ses biens en France à la Révolution. Il subit bien des aléas du fait de ses protecteurs jusqu’au moment où Louis XVIII dilapide les derniers biens restants pendant son exil. En 1699, l’établissement marseillais, situé approximativement à l’angle des rues Camille-Pelletan et Desaix, est acheté par la ville pour y soigner les malades mentaux ou « insensés ».
L’asile sera transféré en 1844 à l’ancien hôpital de la Timone.
