L’étang de Berre, poubelle industrielle ou patrimoine mondial de l’UNESCO ?

Étang de Berre
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L’étang de Berre situé à à l’ouest de Marseille est le second plus grand étang salé d’Europe après le Mar Menor, en Espagne. Ce vaste plan d’eau saumâtre au riche passé préhistorique mesure 20 kilomètres de long, 16,5 kilomètres de large et 9,5 mètres de profondeur maximale. En 1910, Henri Fabre y fait décoller le premier hydravion, ce qui attirera en 1922 la création de l’aéroport de Marseille, avant l’arrivée des premières raffineries de pétrole dès 1928 qui vont profondément perturber l’équilibre écologique du site. Malgré une forte pollution industrielle, l’étang recèle encore des richesses. La diversité des espaces naturels offre aux oiseaux une multitude de milieux. L’étang de Berre et ses alentours accueillent plus de 250 espèces d’oiseaux sédentaires ou migrateurs. L’étang est également avec ses 14 plages un lieu plutôt inattendu de baignade et de sports nautiques. Une surprenante candidature a été constituée et déposée en 2019 pour que l’étang soit classé…au patrimoine mondial de l’UNESCO ! Le projet pourrait aboutir dans un délai de cinq à dix ans suite à ce dépôt.

L’étang de Berre a été créé par la remontée des eaux lors des dernières glaciations. Cette petite mer intérieure de 15 500 hectares pour 980 millions de mètres cubes d’eau se compose actuellement de deux sous-ensembles, l’étang principal et l’étang de Vaïne à l’est. On peut noter également la présence de l’étang de Bolmon, au sud-est, qui est séparé de l’étang de Berre par le cordon dunaire du Jaï. Les communes qui bordent l’étang sont au nombre de dix avec Istres, Miramas, Saint-Chamas, Berre-l’Étang, Rognac, Vitrolles, Marignane, Châteauneuf-les-Martigues, Martigues et Saint-Mitre-les-Remparts. Occupé depuis au moins douze millénaires par les hommes, le pays de l’Étang de Berre a vu naître plusieurs innovations majeures dans l’histoire et l’évolution culturelle de l’humanité. C’est le cas de l’élevage de chèvres et de moutons, apparu sur les bords de l’étang il y a 9 000 ans.

Cet événement décisif marque les prémices, pour l’Europe occidentale et méditerranéenne, de la transition entre le Paléolithique-Mésolithique et le Néolithique, période de la préhistoire marquée par de profondes mutations techniques, économiques et sociales.

Le Pays de l’Étang de Berre constitue également un exemple emblématique de l’adaptation des hommes à un changement climatique et environnemental majeur, en particulier lors de l’envahissement il y a 6000 ans, par les eaux de la Méditerranée, de la lagune située au centre du territoire. Les populations de chasseurs-pêcheurs-cueilleurs alors installées sur les rivages de la lagune, déjà en partie converties à l’élevage, adaptent alors leurs techniques de pêche aux espèces marines, qui remplacent rapidement celles d’eau douce qu’ils capturaient précédemment. Dès l’âge du fer, en 600 avant J.C., l’exploitation de salines, qui se poursuit de nos jours, est attestée sur le site de Saint-Blaise, sur la commune de Saint-Mitre-les-Remparts. Depuis l’Antiquité, les hommes exploitent également la pierre autour de l’étang, en particulier les calcaires du massif de la Nerthe. Les Romains colonisent l’étang de Berre à l’Antiquité, profitant d’une terre fertile et de l’eau douce des rivières.

Ils développent de petits villages orientés vers le travail de la terre (vigne, olivier, exploitation des salines).

Son nom latin était alors Stagnum Mastromela. Dès le XVIIe siècle s’implantent les premières industrie chimiques sur les pourtours de l’Etang de Berre avec notamment la poudrerie royale de Saint-Chamas. Au xixe siècle l’étang de Berre devient un site stratégique pour l’implantation d’activités économiques avec notamment la production de soude et le stockage puis le raffinage du pétrole. À cet effet, de nombreux travaux d’aménagements sont réalisés. Entre 1863 et 1925, on procède à l’approfondissement du chenal à -3 m puis on procède à des travaux successifs portant la profondeur du chenal de Caronte de -3 à -6 m puis à −9 m de profondeur en 1925. En 1925 c’est la mise en service du canal du Rove reliant l’étang à la rade de Marseille. L’Etang de Berre communique avec la mer Méditerranée par le canal de Caronte, à l’ouest. Le canal de Marseille au Rhône, qui le relie à l’Estaque, au sud-est, est obstrué depuis 1963 par un éboulement dans le tunnel du Rove. Depuis 1966, l’étang reçoit les apports très importants du canal EDF de la Durance, désormais principale source d’alimentation en eau douce de l’étang, ce qui a entraîné des modifications très importantes de l’écologie de l’étang. L’étang de Berre est le réceptacle naturel en eau douce de l’Arc, la Touloubre, la Cadière, la Durançole. Son bassin versant naturel est de 1 700 km². La température de l’étang est comprise entre 5 et 25 °C (moins d’inertie que la mer, ce qui explique une température plus froide en hiver et plus chaude en été). Le vent dominant est le Mistral, qui peut y souffler fort.

L’étang de Berre, site industriel majeur et pollution massive

En 1910, Henri Fabre y fait décoller le premier hydravion. Ceci attirera la création de l’aéroport de Marseille sur les rives de l’étang en 1922, à l’initiative du colonel Jacques Théodore Saconney. En 1928 sont installée les raffineries Shell à Berre, puis les Raffineries de Provence (futur Total) à la Mède (commune de Châteauneuf-les-Martigues). Une loi est votée en 1957 pour interdire la pêche dans l’étang de Berre en raison de l’accumulation de la pollution d’origine chimique dans la chair des poissons. Les pêcheurs sont indemnisés pour le dommage causé et vendent leurs droits de pêche. Le site prend encore de l’ampleur avec la création et le développement du complexe sidérurgique de Fos, source de nombreux emplois. À la fin des années 1960, la salinité de l’étang est de 32 g/l, avec une faible variabilité spatiale et temporelle liée aux apports fluviaux et aux conditions climatiques. De vastes herbiers de zostères colonisent la ceinture comprise entre le trait de côte et la profondeur 4-5 mètres. Une macrofaune benthique à affinité marine est présente dans tout l’étang. L’ichtyofaune reste diversifiée et abondante. Mais on peut noter une contamination chimique de l’eau et des sédiments croissante. Durant les années 1970, on enregistre une explosion démographique due au succès du développement économique de la zone. Une ville nouvelle est créée en 1972 aux abords de l’étang sous le nom d’agglomération nouvelle du Nord-Ouest de l’étang de Berre. En 1971, on note la mise en place du SPPPI sur l’étang de Berre puis Fos et l’entrée en application par les industriels locaux de normes de rejets plus strictes que les normes nationales.

La centrale EDF de Saint-Chamas et les actions du Gipreb

Depuis 1966, l’étang reçoit les eaux douces de la Durance par le canal EDF. Ce canal usinier EDF alimente la centrale hydroélectrique de Saint-Chamas. Cet apport considérable d’eau douce et de limons a des conséquences hydrologiques pour l’étang. L’eau douce représente en moyenne un apport de 3,3 milliards de mètres cubes par an (mesuré sur la période 1966-93) soit environ 3,7 fois le volume de l’étang. Dans le même temps, les apports moyens en sédiment sont de 520 000 t/an. Les limons s’accumulent dans certaines zones, au nord de l’étang. De ce fait, la salinité chute rapidement et se produit la stratification des eaux liée à la différence de densité entre l’eau douce déversée et l’eau de mer entrant en profondeur. Avec les apports accrus en nutriments, il s’ensuit une eutrophisation du milieu. On a constaté une dégradation des peuplements à affinité marine, l’apparition d’une macrofaune euryhaline et la quasi-disparition des herbiers.

Enfin, en raison de la stratification haline et de l’eutrophisation, des conditions d’anoxie prévalent dans les eaux profondes. La vie benthique y a disparu. En 1991, un référendum d’initiative locale est organisé, 250 000 riverains se mobilisent et votent à 95 % pour l’arrêt des rejets EDF. Entre 1993 et 1995 est lancé le plan barnier avec la limitation des rejets de limons à 200 000 tonnes par an (réels 310 000 tonnes par an), la limitation des apports d’eau douce à 2,7 puis 2,1 milliards de mètres cubes sur douze mois et à 0,4 milliard de mètres cubes entre le 1er mai et le 30 septembre. C’est aussi le début du suivi écologique de l’étang (qualité de l’eau et des sédiments, biocénoses). En 1994 est voté le rétablissement du droit de pêche. Depuis 1994, la salinité moyenne augmente progressivement mais, malgré la baisse des apports d’eau douce à l’échelle annuelle, les variations saisonnières restent importantes.

Les peuplements sédentaires de la faune et de la flore demeurent dégradés. On note la présence de contaminants chimiques dans des sédiments bien localisés. La baisse des teneurs est attribuable à l’abattement des rejets industriels, de l’ordre de 98 %, depuis 1971. En 2000 a eu lieu la création du Gipreb (Groupement d’intérêt public pour la réhabilitation de l’étang de Berre) avec de nombreuses actions pour améliorer la biodiversité du site (études de dérivation des rejets EDF, création de sentiers, projet expérimental de captage du naissain de moules…). Les rives de l’étang de Berre ont subi l’aménagement de ses rives depuis le début du xxe siècle : raffineries de pétrole, aéroport, etc. Malgré cela, l’étang recèle encore des richesses naturelles. La diversité des espaces naturels offre aux oiseaux une multitude de milieux. L’étang de Berre et ses alentours accueillent plus de 250 espèces d’oiseaux sédentaires ou migrateurs. Des observatoires ornithologiques situés sur les propriétés du Conservatoire du littoral à la Poudrerie de Saint-Chamas et au bord de l’étang de Bolmon permettent leur observation. Les salines de l’étang de Berre ont été désignées zone de protection spéciale (ZPS) dans le réseau Natura 2000 par un arrêté du 27 août 2003. Les marais et zones humides liées à l’étang font également l’objet d’une proposition de site d’intérêt communautaire (pSIC) depuis août 1998. Le climat méridional, venté et ensoleillé de l’étang de Berre associé à la sécurité d’un plan d’eau fermé, offre une étendue propice aux sports nautiques. Les ports de Saint-Chamas, Berre, Martigues et Istres sont très dynamiques, et proposent notamment des activités nautiques et de la voile dans leurs clubs respectifs. Plusieurs clubs nautiques affiliés à la Fédération française de voile (FFV), proposent la pratique de la voile légère (catamaran de sport, funboard…), parmi eux, les plus dynamiques organisent des régates : Club nautique marignanais, Cercle de voile de Martigues, Club Nautique Berrois. La pratique de la baignade est autorisée du 01/06 au 30/09 en fonction des prélèvements sanitaires réglementaires. Elle est déconseillée lors d’orage ou de vent violent.

Le dossier de candidature pour le classement au patrimoine mondial de l’UNESCO

“La valeur universelle exceptionnelle signifie une importance culturelle et/ou naturelle tellement exceptionnelle qu’elle transcende les frontières nationales et qu’elle présente le même caractère inestimable pour les générations actuelles et futures de l’ensemble de l’humanité. A ce titre, la protection permanente de ce patrimoine est de la plus haute importance pour la communauté internationale toute entière. Le Comité définit les critères pour l’inscription des biens sur la Liste du patrimoine mondial.”  Extrait de la convention du patrimoine mondial de l’Unesco.

C’est en juin 2016 qu’a été lancé officiellement le projet de candidature de l’Etang de Berre au classement au patrimoine mondial de l’UNESCO. S’en est suivi l’annonce au grand public en septembre puis au gouvernement en janvier 2017. La candidature a été présentée le 17 octobre 2017 à Rognac. Ce classement souhaite « faire reconnaître la valeur universelle exceptionnelle de ce paysage à la fois naturel et culturel » et donner un nouvel élan à la protection de l’étang. Le projet déposé en 2019 pourrait aboutir dans un délai de cinq à dix ans suite à ce dépôt.

Découvrez le détails de la candidature.


SOURCES Wikipedia & candidature-etangdeberre.org & etangdeberre.org
PHOTOS Dominique Milherou Tourisme-Marseille.com
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