Ratonneau, l’île, le Fort, la Batterie et le faux cimetière

Île Ratonneau, 13007 Marseille
7930
Ratonneau, l’île, le Fort, la Batterie et le faux cimetière
Arrondissement : 7ème
Défenses avancées de Marseille, les îles du Frioul recevront des fortifications militaires tout au long de leur histoire. Depuis Henri IV, Louis XIV, puis Napoléon, la IIIe République, et l’occupation allemande, ont ainsi profondément remanié le paysage naturel, ainsi que les bombardements du débarquement de Marseille. Le Fort de Ratonneau commencé en 1886 a ainsi connu plusieurs édifications successives sur le même site.

fort-de-ratonneau-frioul-marseille-3Le Fort Ratonneau, culminant à 82 mètres au dessus de la mer constituait l’une des 4 plus grosses tourelles de défense sur la Méditerranée, avec les 3 autres forts des îles du Frioul.

Avant la prise de possession par les allemands c’est la 9/MAA611 qui a en charge Ratonneau, celle-ci est composée au début de 1944 de 200 hommes (marins, sous officiers et officiers). En 1944, les Allemands y ajoutent une batterie de 4 canons d’artillerie de 240mm provenant à l’origine d’un vieux cuirassé français « Le Condorcet ».

Selon le site frioul.fr, « les allemands creusent dans les batteries françaises pour réaliser les excavations des abris soutes et les voies ferrées traversant le fort ». Outres quelques abris divers, ils réalisent également un grand souterrain et des citernes au bas du fort.

La structure en forme de croix d’un des canons de 240 mm donne encore l’impression de loin à beaucoup de visiteurs qu’un cimetière se trouve en haut du fort (photo ci-contre). La batterie ne fut jamais terminée grâce à la libération.


Les Iles du Frioul étaient autrefois reliées au continent. Les brèches de l’Ile de Ratonneau contenant des squelettes de rongeurs et d’ours en attestent. Elles furent séparées du continent à partir de l’époque mésolithique, avec la remontée du niveau de la mer après les périodes de glaciation.

Si l’île voisine de Riou présente les traces de l’un des plus anciens sites néolithiques d’Europe occidentale (VIe millénaire avant notre ère), sur les îles du Frioul et l’île Maïre, les traces d’activité humaine les plus anciennes remontent à l’Âge du Bronze.

Situées près d’une métropole fondée dans l’Antiquité, Ratonneau endosse selon les besoins un rôle militaire, d’annexe du port commercial, ou de quarantaine sanitaire.

Utilisation civile

De 1822 à 1880, les besoins en matériaux de construction des extensions du port commercial conduiront à l’exploitation de trois carrières sur les îles du Frioul par les Ponts et chaussées. Deux étaient situées sur l’île Ratonneau : la carrière de Morgiret, située sur l’anse éponyme et reliée à la carrière de Ratonneau par une voie taillée dans la roche. Les quelques centaines d’ouvriers sont payés entre 2,5 et 3,5 francs pour 14 heures de travail par jour alors qu’un menuiser gagne entre 4 et 5 francs. Des voies ferrées sont installées et des hippomobiles tirent les blocs vers cinq embarcadères, dont deux équipés de grues permettant de charger les gros blocs. Le relief magistralement aplani laissera la place aux bâtiments et dépendances du « Lazaret des îles » décrit plus loin. L’Armée, quant à elle, se félicite de l’émergence d’une falaise grâce au creusement de la carrière, qui rend son fort de Ratonneau, situé au sommet de la colline adjacente, inaccessible.

La construction que réalisent les pilotes inspire Gaston Defferre devenu maire de Marseille. En 1972, il demande et obtient du Ministère de la Défense, le rachat des lieux. La municipalité décide en 1975 de la création d’un nouveau quartier de Marseille à vocation touristique et balnéaire. Un « embryon » de noyau urbain assorti de la construction d’un port de plaisance est planifié. D’entrée de jeu, la circulation automobile n’y est pas admise, exception faite de celle des véhicules des services publics. L’accès en est assuré par des navettes maritimes entre le vieux port de Marseille et le Port Dieudonné ou port du Frioul, sur l’île de Ratonneau. En 2008 l’île compte 450 logements, une quinzaine de commerces touristiques, une caserne de pompiers, un centre de vacances Léo Lagrange, et le port de plaisance propose un mouillage à quelque 650 bateaux.

Utilisation sanitaire

La peste à Marseille

Après la grande peste de Marseille (1720), l’archipel du Frioul constitue le cœur de la stratégie de protection sanitaire de Marseille. L’île de Ratonneau servira de lieu de quarantaine pour les bateaux venant de pays étrangers. Si à partir du xixe siècle, les épidémies de peste deviennent exceptionnelles, la fièvre jaune, le typhus et surtout le choléra deviennent les fléaux dominants. Vers 1820, le commerce et les transports via Marseille connaissent un essor sans précédent. Les infrastructures portuaires de la ville en arrivent à connaitre les limites de leurs possibilités, peinant à accueillir les navires. Le besoin d’une extension du port et d’un remaniement de l’urbanisme se fait clairement sentir. C’est exactement dans ce contexte qu’éclate en 1820, une épidémie de fièvre jaune qui touche Barcelone avant Marseille. La mairie et les industriels craignent alors que les épidémies ne paralysent les activités et détournent le trafic commercial de la ville, traditionnellement en concurrence avec Gênes et Barcelone.

L'Hôpital Caroline

L’Hôpital Caroline

La municipalité décide de la construction d’un hôpital sur l’île de Ratonneau comme de relier cette dernière à l’île de Pomègues par une digue, qui abritera un port, baptisé « Port Dieudonné », auquel sera adjoint un ponton d’accostage. Une autre digue, la digue Condorcet, le protégea de la Largade (vent d’est). L’ingénieur Hyacinthe Garella (1775-1852) sera chargé de la réalisation de la digue et du port. L’architecte Michel-Robert Penchaud, dont les nombreuses réalisations ornent la ville, est chargé de mener le projet hospitalier. Il réussira à réaliser un bâtiment fonctionnel performant tout en liant le style de son époque à celui des vestiges romains. L’inauguration de l’hôpital a lieu le 3 juillet 1828. Il fut baptisé « Hôpital Caroline » par égard au destin émouvant de l’une des personnalités ayant effectué une quarantaine auprès de l’ancien Lazaret d’Arenc, la duchesse de Berry, dont l’époux avait été assassiné en 1820 et en hommage duquel la digue, terminée en 1822, avait été baptisée Digue Berry.

L'Hôpital Caroline, Frioul, Marseille

L’Hôpital Caroline

Cet établissement reçut le surnom plus populaire d’« l’hôpital du vent », ayant été conçu pour bénéficier d’une ventilation naturelle et constante. En effet, à l’époque, les scientifiques considéraient que les courants d’air dispersaient les miasmes et contribuaient ainsi à la guérison des malades. Lorsqu’en 1844, la municipalité décide de gagner une superficie d’environ 20 hectares pour construire un port commercial baptisé bassin de la Joliette. Ce plan d’extension suppose la préemption du territoire sur lequel se trouve le lazaret d’Arenc. La ville de Marseille décide alors de délocaliser ses installations sanitaires, devenues par ailleurs largement insuffisantes. C’est ainsi qu’il est décidé de les transférer sur l’archipel du Frioul. Le nouveau complexe sanitaire, baptisé « Lazaret des îles », est inauguré en 1851. À cette occasion, l’hôpital reçoit le nom plus républicain d’ « Hôpital Ratonneau ». Il est à l’époque le plus grand et le plus efficace de la Méditerranée. Dans les années 1920, les autorités installent sur l’île un centre de tri sanitaire pour y accueillir les réfugiés fuyant le Génocide arménien.

Utilisation militaire

Le fort Ratonneau au dessus de la Maison des Pilotines

Le fort Ratonneau au dessus de la Maison des Pilotines

Avancées naturelles de Marseille sur la mer, les îles du Frioul connaissent de facto une vocation militaire. Non seulement les autochtones mais aussi les stratèges, qu’ils soient pirates de passage, conquérants ou occupants sarrasins, italiens, espagnols, anglais ou allemands, tous ont su tirer parti des caractéristiques qu’offrent ces îles pour attaquer ou contrôler Marseille. C’est pourquoi des fortifications y seront érigées et maintenues au long de toutes les époques. En 49 av. J.-C., César fait mouiller les navires de la flotte romaine qui assiège Marseille dans la anse Galiane. Sous Henri IV, un fort très important, aujourd’hui disparu, couronne l’île. Plus tard, Vauban en renforcera les fortifications. Napoléon puis la IIIe République y installeront des batteries d’artillerie. En 1859, il servira de prison à quelque deux mille prisonniers autrichiens. À l’issue de la Grande Guerre, les progrès hygiéniques aidant, les épidémies se font plus rares et les installations sanitaires de l’île Ratonneau perdent en fréquentation.

Batterie de Mangue

Dans les années 1930, ceci conduit la ville à transférer le contrôle de l’île à la Marine nationale qui aménage les structures existantes afin de permettre à ses bâtiments d’y accoster, notamment des frégates et des porte-mines. Durant la seconde guerre mondiale, en 1942 les hommes du STO (Service du travail obligatoire) construisent sur le « plateau de Mangue » une série de sept bunkers équipés de pièces d’artillerie dominant la rade et Marseille. Ils font partie du « Mur de la Méditerranée », du mur du Sud, conçu sur le modèle du Mur de l’Atlantique. Le pilonnage du secteur auquel s’ajouteront les bombardements alliés raseront la quasi-totalité des aménagements militaires, et modifieront la topologie de l’île, exception faite des bunkers. Cynisme récurrent à chaque conflit armé nonobstant les jalons posés par le droit de la guerre, le « Lazaret des îles » sera lui aussi en grande partie détruit par les bombardements alliés d’août 1944 Avec la Guerre Froide consécutive au conflit, l’Armée en fait un terrain militaire, dont l’accès est totalement interdit au public.

Elle l’aménagera pour y faire accoster jusqu’à quatre escorteurs et quatre chasseurs de mines simultanément. Conservent néanmoins le droit de cité sur l’île, les pilotes du port de Marseille. À chaque conflit, leur lieu de résidence est l’objet d’attaques toujours plus destructrices. Le droit maritime obligeant depuis la fin du xixe siècle à la présence d’un pilote local à bord des bâtiments fors en approche, c’est pourquoi vers 1948, les pilotes de la ville achètent un terrain à la Marine.

Ils y font ériger l’une des stations du service du pilotage de Marseille-Fos, la « Maison des Pilotes« , à laquelle ils font donner la forme d’une étrave. Trois pilotes y assurent une permanence.


SOURCES balades.michaelalbaladejo.com & Wikipédia Ratonneau & LeFrioul.fr
PHOTOS Dominique Milherou Tourisme-Marseille.com
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Avis sur cette fiche
5
Note globale 2 Avis
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  • 4 août 2021 at 14:09

    Merci pour vos bons renseignements et descriptifs, je pensais, de la mer, que c'était un cimetière, vos explications m'ont été très utiles et très intéressantes.

  • Devuyst Christian commente : Signaler cet avis Détails
    VOTRE NOTE:
    16 octobre 2016 at 23:01

    Visite des iles par notre association et collectif Frioul Terre des Artistes toute l'année. Tél 0676658606

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