Pour donner tout son éclat au lancement de cette exposition, la ville de Marseille saisit l’occasion du retour d’Espagne du président de la République Raymond Poincaré pour lui faire poser la première pierre des futures constructions. Arrivé à bord du cuirassé Carthagène, Raymond Poincaré débarque au Vieux-Port le 12 octobre 1913 au matin et pose la première pierre dans l’après-midi. Le lendemain il visitera les travaux du tunnel du Rove avant de regagner Paris. Les travaux à peine commencés s’arrêtent à la suite du déclenchement de la Première Guerre mondiale.
Le parc ainsi que le grand palais et le palais des machines qui avaient été conservés depuis la précédente exposition de 1906, sont utilisés pour le cantonnement des troupes de passage, notamment celles en provenance des colonies.
La paix revenue, le projet est repris avec la nomination par décret du 15 avril 1919 d’Adrien Artaud comme commissaire général de l’exposition en remplacement et à la suite du décès de Jules Charles-Roux. Un autre décret du 15 avril 1919 nomme Xavier Loisy, ancien inspecteur des colonies, commissaire général adjoint et Louis Bonnaud, directeur. Plusieurs journaux ont accompagné l’Exposition : certains comme simple guide pratique, d’autres plus informatifs sur les représentations des colonies, d’autres plus complets encore et qui présenteront toutes les étapes de l’évènement, du projet initial jusqu’au dernier jour de sa fermeture.
L’inauguration officielle a lieu le dimanche 16 avril 1922, jour de Pâques, par Siméon Flaissières, maire de Marseille, Adrien Artaud, commissaire général de l’exposition, Hubert Giraud président de la chambre de commerce, M. Pasquet, président du conseil général des Bouches-du-Rhône et Albert Sarraut, ministre des Colonies.
Le 7 mai 1922, le président de la République Alexandre Millerand visite l’exposition accompagné de Maurice Maunoury, ministre de l’Intérieur, d’André Maginot, ministre de la Guerre, d’Henry Chéron, ministre de l’Agriculture, et d’Albert Sarraut. D’autres ministres se rendent à leur tour à Marseille : Flaminius Raiberti, ministre de la Marine, Charles Reibel, ministre des Régions libérées, Maurice Colrat, ministre de la Justice, Paul Strauss, ministre de l’Hygiène, ainsi que de hautes personnalités militaires : Joseph Joffre, Philippe Pétain, Louis Franchet d’Espèrey, Émile Fayolle, Henri Joseph Eugène Gouraud, Charles Mangin, etc. Deux pavillons et les palais du Maroc et de Madagascar sont dus à l’architecte Joachim Richard. L’exposition coloniale connut un énorme succès et fut une réussite confirmée par le nombre de visiteurs estimé à plus de trois millions de personnes. Après les tristesses de la guerre et les incertitudes qui la suivaient, ce fut le triomphe de Marseille, véritable métropole. Ce succès n’a pas été lié seulement aux intérêts du négoce, il a également été dû à l’attrait d’un monde qui à l’époque paraissait mystérieux.
Parallèlement à l’Exposition, sont ouverts des stands et des salons plus spécialisés et se tiennent des congrès coloniaux consacrés à quatre grandes thématiques : Santé, Production, Outillage et Organisation. Une synthèse révélatrice des préoccupations majeures de l’administration française. L’agriculture coloniale y tient une place de choix (le JO rappelle la crise du caoutchouc de 1914) et c’est tout naturellement que l’Institut Colonial de Marseille, qui s’était illustré par la création d’un Laboratoire d’Études des Céréales et Plantes Féculentes (1914) et ses travaux sur le palmier à huile (1921), se voit chargé par A. Artaud (commissaire général de l’Exposition) de l’Exposition du matériel agricole. L’Empire colonial couvrant de grandes surfaces océaniques (suite au nouveau mode de calcul de 2018, la France revendique aujourd’hui le second domaine maritime avec ses près de 11 millions de km², juste derrière les États-Unis), un Palais de la Mer Coloniale s’imposait et fera dire à ses organisateurs : « l’Exposition Coloniale doit être la source d’un enseignement colonial permanent. Il faut que dans tous les ports français, des musées coloniaux soient créés, rappelant la richesse de nos colonies et les débouchés qu’elles offrent à notre commerce et à notre industrie ».
Isabelle Richefort conclut ainsi son livre Désirs d’ailleurs : « Si les critiques portèrent sur la mise en scène convenue et stéréotypée de l’indigène ainsi que sur la volonté des organisateurs de démontrer la légitimité de la colonisation, l’exposition a témoigné d’une réelle reconnaissance d’autres cultures et d’autres modes de vie ».
Néanmoins à l’exception de l’Humanité, critique vis-à-vis de l’esprit colonialiste français, la presse couvrira avec enthousiasme toutes les étapes de cette manifestation qui enregistrera plus de 3 millions d’entrées. Selon l’association marseillaise Ancrages « Véritable zoo humain, les Expositions Coloniales sont à l’articulation de trois processus : la construction d’un imaginaire social de l’Autre, la théorisation scientifique de la « hiérarchie des races », et l’édification d’un Empire colonial alors en pleins expansion. Ce sont des lieux au centre desquels se place la mise en scène de la différence : c’est l’invention du sauvage. En vérité, on fabrique un monde qui n’a aucun rapport avec le réel. Quand les Kanaks arrivent à Paris en 1931, on leur demande d’arrêter leurs chants chrétiens, car cela ne colle pas avec l’image du sauvage cannibale. On fabrique tout un environnement qui correspond à l’univers qu’on présuppose qu’un sauvage doit avoir : la hutte, le village, les danses, etc ».
Après elle, deux autres expositions coloniales seront encore montées à Strasbourg (1924) et à Paris (1931). Seuls vestiges restant de cette époque à Marseille, la Grille monumentale et le Palais des Arts.