Au 18eme siècle, le domaine de Vaudran s’appelait encore Vau-Vaudran. Le 11 octobre 1779, Un certain Maître Estubi, notaire, enregistrait sa cession. Un certain Pascalis de la Systrière le vendait 14.800 livres au Sieur François Gabriel. Dès son accession au Domaine, Jouvin y planta des centaines de cèdres du Liban ; des arbousiers et nombres d’essences inconnues de la région dont des essences rapportées d’Afrique tels que des arbres à écorces rouges introuvables ailleurs. Il fit creuser de nombreux puits et aménager des kilomètres de bordures fleuries et de bancs en pierres ou en béton. Mais Vaudran ne se limitait pas à une poignée d’hectare. Jouvin avait acquis des kilomètres de terres en arrière du château. Protégées par une immense muraille en pierre haute de plusieurs mètres de haut, avec un sommet taillé en pointe hérissé de débris de verre, elle était destinée à décourager d’éventuels visiteurs indésirables. Vaudran avoisinait un autre domaine encore plus impressionnant : celui de la Salette avec sa chapelle de Notre-Dame-de-la-Salette. Après des fortunes diverses Jouvin céda sa propriété à la ville de Marseille, ne pouvant plus payer ses arriérés d’impôts. Pendant la période allant de 1943 à la Libération, le château servi d’Etat-Major à l’armée allemande qui l’électrifia et construisit des routes carrossables. L’occupant allemands fit des prisonniers qu’il enferma dans les caves du château, transformées pour l’occasion en cellules. Les allemands furent remplacés à la Libération par un régiment du général Leclerc. Cette prison souterraine servit par la suite d’aire de jeux (interdits) aux enfants. Les murs étaient couverts d’admirables tableaux tracés à la craie de couleur. L’entrée principale du château était fermée par une énorme porte de bois à double battants, épaisse de 10 centimètres et haute de 3 mètres. Malgré son énorme masse, elle s’ouvrait facilement sur un hall d’entrée dans lequel on aurai pu largement loger un appartement entier.
Après la débâcle allemande, les habitants du quartier de La Valentine, firent des raids sur le château et détruisirent les infrastructures électriques (légères puisque les cèdres géants servaient de poteaux) et la plupart des sanitaires. Aucune robinetterie présente dès l’origine ne fonctionna jamais.
Dès 1948, l’écrasante crise du logement dans cette région poussa la ville de Marseille à reloger dans le château des familles misérables. Beaucoup de choses étaient à reconstruire et le travail ne manquait pas. Pour y faire face, la municipalité n’hésitait pas à proposer ces vieilles demeures totalement dépourvues du plus élémentaire confort. Une vingtaine de familles vécurent dans le château sans eau ni électricité à des kilomètres de tous services, de 1948 jusqu’à leur relogement dans des structures HLM en 1962. Elles furent pour la plupart disséminées dans les vastes cités des quartiers Nord de Marseille.
Devenu dangereux le château fut détruit en 1978. Ses lourdes cheminées passaient à travers la toiture une à une.
En 2022, on me faisait parvenir ce précieux témoignage : « Ma mère a appartenu à l’une des familles considérées, après la Seconde Guerre mondiale, par la ville de Marseille comme misérables et, ainsi, habité au château Vaudran : de 1950 à 1962. Ses parents, mes grands-parents, étaient arméniens, rescapés du génocide… J’aurais souhaité avoir beaucoup plus d’informations sur le château Vaudran et l’époque à laquelle ma mère y a vécu. Cette histoire ne fait pas seulement partie de l’histoire de ma mère ; elle fait aussi partie de l’histoire de Marseille. »
Découvrez le site dédié au Château Vaudran avec d’autres photos