Cabinet des Monnaies et Médailles de Marseille au Palais Carli, premier quart du XXe
Comme l’a évoqué Sylvain Borzillo, Conservateur du Cabinet des Monnaies et Médailles de Marseille lors d’une conférence, en 1821, le roi Louis XVIII autorise l’acquisition par la Ville de Marseille de la riche collection de monnaies et médailles des Fauris de Saint-Vincens. Jules Fauris de Saint-Vincens (1718-1798) et son fils Alexandre (1750-1819) sont deux grands aristocrates, parlementaires et collectionneurs aixois, dont la notoriété dépasse les frontières du royaume de France. Un siècle durant, ils amassent dans leur hôtel particulier, situé au 14 Cours Mirabeau à Aix-en-Provence, manuscrits, livres rares, monnaies et médailles anciennes, pierres sculptées et inscriptions antiques. Mais à sa mort en 1819, Alexandre est criblé de dettes : son incroyable collection doit être vendue pour rembourser ses créanciers ! C’est alors qu’intervient Christophe de Villeneuve-Bargemon (1771-1829), préfet des Bouches-du-Rhône et cousin d’Alexandre Fauris de Saint-Vincens. Refusant de voir dispersés aux quatre vents les trésors patiemment amassés par les Fauris de Saint-Vincens, il remue ciel et terre pour empêcher cette fatale issue. Il y réussit miraculeusement en mettant d’accord les villes d’Arles, d’Aix-en-Provence, de Marseille, et le département des Bouches-du-Rhône.
Malgré les temps de vaches maigres, chacun met sur la table des sommes considérables pour sauver les collections des Fauris de Saint-Vincens des mains des collectionneurs privés.
statère carthaginois, tête de Tanit (Droit), collection Fauris de Saint-Vincens
Prévoyant, le maire de Marseille, Jean-Baptiste de Montgrand (1776-1847) manœuvre avec succès pour que sa ville emporte le plus beau morceau du cabinet de curiosités des Fauris de Saint-Vincens : leur superbe collection de monnaies et médailles, accompagnée de tous leurs livres rares traitant de numismatique. C’est ainsi que naît en 1821 le Cabinet des Monnaies et Médailles de Marseille. Un roi, un préfet et un maire en sont les drôles de parrains ! Pour comprendre l’enjeu que représente la création d’un Cabinet des Monnaies et Médailles, il faut revenir quelques siècles en arrière. L’étude des monnaies anciennes se développe à la Renaissance : savants et puissants se passionnent alors pour les monnaies anciennes et surtout antiques, qui sont tout à la fois des œuvres d’art et les témoins d’un passé prestigieux. C’est ainsi que naît la numismatique, science dont l’objet est la connaissance des monnaies, médailles et objets monétiformes. Or, Marseille entretient un lien ancien et fort avec la monnaie : plus ancienne ville de France, c’est entre ses murs que sont frappées les premières monnaies de France. La frappe monétaire y débute en effet, à la fin du VIe siècle avant notre ère, moins d’un siècle après la fondation de la cité (600-599 avant J.-C.). Elle s’y poursuit, avec des interruptions, jusqu’en 1857 ! Il s’agit donc de l’un des ateliers monétaires les plus longtemps en activité dans le monde.
Le cabinet avant sa réhabilitation
Cela n’est pas anodin, car frapper monnaie est l’attribut des états indépendants ou des entités politiques jouissant d’une large autonomie. À travers la monnaie, c’est l’histoire millénaire et glorieuse de Marseille qui se raconte. Une histoire dont les Marseillais ont bien besoin en 1821. En effet, dans ces années-là, Marseille doute et s’interroge. Les guerres de la Révolution et de l’Empire ont ruiné le commerce et généré une grave crise économique et sociale. Dans ce contexte, la décision de créer un Cabinet des Monnaies et Médailles, c’est-à-dire un centre de recherche sur les monnaies et les médailles anciennes, prend tout son sens.
Il s’agit de tenir son rang face à Paris, qui possède le plus beau Cabinet des Monnaies et Médailles de France, et de trouver dans ces monnaies et médailles, qui sont les témoins d’un passé ancien et prestigieux, les ressources intellectuelles et morales pour se relever et faire à nouveau briller Marseille.
Statère carthaginois, cheval debout (Revers), collection Fauris de Saint-Vincens
Installé en 2004 au sein des Archives municipales, le Cabinet des monnaies et médailles de Marseille, labellisé « Musées de France » conserve une incomparable collection de monnaies et médailles, issues de fouilles archéologiques (comme celles du trésor d’Auriol, VIe siècle av. J. -C., découvert en 1867) ou d’acquisitions diverses, à commencer par la collection du numismate Jules Fauris de Saint-Vincens en 1821. L’ensemble ainsi constitué compte environ 40 000 objets numismatiques (monnaies, médailles, jetons, insignes, coins et matrices, …) , allant des monnaies, grecques et romaines ou gauloises, aux monnaies du Moyen-Age ou modernes, françaises ou étrangères, ainsi qu’une riche collection de médailles, dont le fonds complet des médailles de l’artiste graveur Odette Singla.
Une bibliothèque d’étude, riche de rares ouvrages, comme l’histoire métallique de Louis XIV, complète cet inestimable collection numismatique. Horaires & Infos ici
