Mais revenons d’abord aux origines de la rue Longue des Capucins, ainsi nommée le 28 avril 1855. Avant 1789, l’artère était divisée en trois tronçons : rue neveu des capucins, de la rue d’Aubagne à la Canebière; rue Longue Saint-Claude, orthographiée quelquefois Glaude, de la Canebière à la rue Bernard-du-Bois, et de cette dernière au Rempart (Bd Charles Nédelec) et Rue des Maçons. Sous la Révolution, la rue Neuve des Capucins devient Rue du Jeu de Paume, comme l’atteste une inscription découverte en 1948 dans la pierre d’angle de la rue d’Aubagne. La délibération du 3 octobre 1822 fait encore état de la rue Saint-Claude, nom tout à fait oublié au milieu du XIXe siècle. Il apparaît qu’à cette époque le nom de rue Longue des Capucins se généralise pour la totalité de cette voie. Cette appellation provient des Capucins qui se sont établis en cet endroit (Marché des capucins) le 15 juin 1579.
C’est dont 90 ans après la création du couvent des capucins, en 1669 que le marchand Antoine Simon achète ce terrain aux Lazariste. Il y fit construire entre 1670 et 1688 (les dates divergent selon les sources) une première ébauche de ce très bel hôtel particulier.
Le lieu en 2023
La fille d’Antoine Simon, Catherine qui avait épousé Maurice de Grimaldi, comte de Bueil, intendant des Galères, vend l’hôtel de son père en 1715 à un courtier royal, Barthélémy Boyer. A sa mort, victime de la peste en 1721, la demeure fut acquise par Jean-Joseph Michel, doyen du collège des médecins, qui le transforma en 1739 et lui donnera son prénom tout en en édifiant une façade Louis XV. Plus tard c’est le commerçant en huile Louis Hubaud qui en fera l’acquisition et y posera ses initiales L.H au centre du balcon en fer forgé du 1er étage et en changera aussi l’appellation en Hôtel Hubaud, son nom actuel. La maison restera ainsi dans la famille Hubaud pendant 170 ans de 1767 à 1937. Le bâtiment va accueillir ensuite au dernier étage l’agence du célèbre architecte de la reconstruction de Marseille après guerre, Fernand Pouillon qui le restaurera en 1943, année de son inscription au titre des monuments historiques. Mais quand on a la chance de pénétrer dans l’édifice, on n’est navré de constater que Pouillon a fait apparemment table rase du passé pour en faire son showroom contemporain supprimant tous les éléments de décoration intérieure, remodelant la structure des étages et n’offrant en décor qu’une très belle rampe d’escalier en fer forgé classée (sur un escalier qui ne semble pas d’origine) et des boîtes à lettres en bois. Le charme passé du lieu est essentiellement à l’extérieur avec la porte d’entrée richement ornée d’un mascaron à tête de femme, la balustrade en ferronnerie, les bossages et les quatre pilastres en pierres taillées. Les éléments protégés sont les façades et les toitures sur rue ainsi que la rampe d’escalier intérieur. La façade sur cour sera inscrite par arrêté 5 semaines plus tard le 29 octobre 1943. Le bâtiment intérieur s’est ensuite lentement dégradé, accueillant un temps (comme le laisse encore apparaître en 2023 une signalétique au rez-de-chaussée) le siège des jeans marseillais Mac Keen, marque qui conquit même les Etats-Unis des années 70 à une époque ou Marseille était au centre de la production de jeans comme avec les frères Marciano partis à Los Angeles créer GUESS, le Temps des cerises, Jezequel, Blue spenser, Aviatic ou encore Kaporal….
En 2021 on apprenait que le bâtiment avait été racheté dès 2018 par l’avignonais d’origine Guy Boyer, historien d’art et journaliste. Il est depuis 2002, directeur de la rédaction de Connaissance des Arts. Il a été rédacteur en chef de Beaux-Arts Magazine jusqu’en 1996, puis directeur de la rédaction de la revue L’Œil de 1997 à 2001. Il anime deux fois par semaine une chronique sortie sur Radio Classique. Guy Boyer a jeté son dévolu sur cet espace afin d’y créer un nouvel espace culturel pouvant accueillir son immense bibliothèque d’histoire de l’art ! Ce projet a remporté le Trophée « L’œuvre de l’année » 2021 du journal Le Méridional. Lieu de coworking en histoire de l’art à destination des collectionneurs, historiens de l’art, écrivains, critiques, cinéastes et journalistes avec plus de mille mètres linéaires d’ouvrages, il offre également un espace de recherche, de débats et d’expositions. Mais le lieu ne s’ouvre pas au tout venant il faut être impérativement membre de l’association les amis de l' »Hôtel Hubaud » (fondée en novembre 2022) pour pouvoir franchir ces portes et consulter les ouvrages allant de l’archéologie à l’Art Contemporain en passant par la photo, la vidéo, les Beaux-Arts et la littérature, travailler sur place (sur un projet, une expo…) en mode coworking et même y louer un studio pour un séjour en mode immersion, ou encore assister à des conférences. Mais attention aucun ouvrage ne sort d’ici ! Près de 60 personnes étaient déjà membres début 2023. La collection va être entièrement indexée numériquement par une personne de l’Ecole du Louvre afin de faciliter la recherche de documents, savoir ce qui manque, ce qui est en double, enregistrer les dons et connaître précisément le nombre de livres, à ce jour encore un mystère !
