Carrière Antique Grecque de la Corderie, le grand gâchis

Boulevard de la Corderie, 13007 Marseille
2637
Carrière Antique Grecque de la Corderie, le grand gâchis
Arrondissement : 7ème
C’est le 24 octobre 2016 que commencèrent à l’angle de la rue d’Endoume et du boulevard de la Corderie les travaux pour la construction de 109 logements, 8 étages, sur une parcelle d’environ 6 000 m²…mais deux jours plus tard, les promoteurs ont la surprise de découvrir les vestiges d’une ancienne carrière grecque du 5ème siècle avant JC avec la présence de céramiques mais peu de mobiliers archéologiques. Une trouvaille majeure entraînant l’interruption des travaux par la D.R.A.C et des fouilles archéologiques jusqu’à la mi juin 2017. Après une très importante et inédite mobilisation citoyenne pour la préservation des lieux, fin juillet 2017 la ministre de la culture de l’époque, Françoise Nyssen promettait que 650 m² seraient classés au titre des Monuments historiques…soit au final une petite surface alors que beaucoup espéraient l’annulation de la construction et un grand site préservé. Nouveau rebondissement fin septembre 2017, Vinci annonce la suspension des travaux jusqu’à nouvel ordre peut-être influencé par une décision présidentielle. Au final, déception des défenseurs du site, la ministre de la Culture Françoise Nyssen a décidé de ne protéger que 635 m2 et de les classer « monument historique ». Au final la construction aura bien lieu et un accès restreint au site a été prévu, neuf jours par an, à partir d’une étroite bande d’accès. Mais nouvel épisode en septembre 2021 les services de l’Etat recommandent l’enfouissement de la carrière de pierre pour conserver le site, très fragile et en proie à une dégradation rapide…un acte confirmé le 11 novembre 2022 pour des travaux réalisé en 2023 pour 450 000 € ! Un retour en arrière qui suscite l’incompréhension et la colère chez de nombreux marseillais. En mai 2023 des discussions sont à nouveau en cours entre l’État et la Ville pour trouver le moyen de conserver et transmettre les vestiges !!! En octobre on apprenait qu’ils seront finalement partiellement préservés, mis en valeur sous une ombrière et accessibles au grand public deux fois par an.

Carrière Antique Grecque de la Corderie, la déception, MarseilleCe lieu était destiné à l’extraction de calcaire…la pierre à chaux par excellence qui aurait pu servir à construire des bâtiment de la cité phocéenne fondée à l’origine 600 ans plus tôt. Dès l’Antiquité, le calcaire coquillier, constituée de restes d’organismes, servit à la construction de monuments, jusqu’aux plus prestigieux, comme le gigantesque temple de Zeus à Olympie érigé entre 470 et 456 av. J.-C. Le « C.I.Q Saint Victor – Corderie – Tellène et rues adjacentes » avait lancé une pétition en 2017 auprès de la mairie afin de préserver l’intégralité ou au moins une partie du site et créer un jardin des vestiges, une sorte de coulée verte (imaginée un temps par Patrick Menucci dans son programme municipal de 2014). Ce parcours aurait pu être une « liaison cohérente, historique et touristique » entre l’abbaye Saint-Victor et Notre-Dame-de la Garde.

Un cheminement imaginé passant aussi par la maison de Paul Valery, le square Berthie Albrecht, le Four des navettes, les Santons Carbonel, la place Joseph-Etienne, le jardin Puget et le char Jeanne d’Arc.

Carrière Antique Grecque de la Corderie, la déception, Marseille

Le site lors des fouilles

La pétition a rapidement atteint les 2000 signatures. L’académicien et historien Jean-Noël Bévérini réuni le 30 mai 2017 avec les CIQ du 7e arrondissement des représentants associatifs et des riverains a déclaré dans les colonnes de la Provence :« Trois possibilités existent : construire dessus et raser, enfouir ces vestiges ou sinon les préserver et les valoriser. Et c’est précisément ce que nous demandons.» Et d’ajouter : « Si Marseille ne conserve pas ce site, Marseille va faire rire l’ensemble du monde attaché à son patrimoine ». Le site archéologique jouxte le rempart Louis XIV sur toute sa longueur. Ce mur fut construit en 1666 sur ordre d’un décret royal promulgué pour statuer sur le développement d’une « ville nouvelle » et élargie.

Il s’agit à l’époque de la plus importante opération d’urbanisme de Provence. La superficie de la ville passera alors de 65 hectares à 195, évitant la surpopulation de la ville intramuros.

Le site avant les fouilles

Une autre pétition lancée par Jean-Noël Beverini demande sa restauration complète, comme ce fut le cas pour son autre versant rue des Lices. C’est au pied même de ce rempart, côté Corderie que s’installent les cordiers, chassé du Vieux-Port et du Plan Fourmiguier…en effet le roi Louis XIV ordonne au XVllème siècle l’extension de la ville, ainsi que l’installation de l’Arsenal des galères sur cet emplacement…les constructeurs déménagent alors sur la rive sud-est du port et les cordiers s’installent sur la rue appelée du fait « Corderie ». C’est là qu’il poursuivront de confectionner les cordages indispensables au gréement des navires, et ce tout le long du nouveau rempart. Ils y conforteront leurs maisons sur son flanc et y fileront leur célèbre chanvre, canebe en proven-çal…de là vient le nom de Canebière, la zone de leur ancien lieu de travail. En 1706 est créée la première école délivrant à Marseille un enseignement totalement gratuit aux enfants des familles défavorisées.

Elle est l’œuvre de Jean-Baptiste de La Salle, fondateur de l’Institution des Frères des Écoles chrétiennes. Les cours ne sont plus délivrés « en individuel» mais « par classe» et non plus en latin mais en français. Et où l’école s’installe t-elle ? Au pied du rempart de la Corderie qui forme un côté de l’enclos de leur collège. Alain Nicolas, docteur en archéologie, conservateur en chef des musées de France et fondateur du Musée d’Histoire de Marseille a souligné l’importance scientifique de ce site qui s’étend sur 4000 mètres carrés : « cette carrière est une découverte extrêmement importante pour l’histoire de Marseille et de ses habitants, car on n’en connait nulle autre pour cette époque ».

Fin juillet 2017 la ministre de la culture Françoise Nyssen a promis alors que 600 m² devraient être classés au titre des Monuments historiques. Une servitude devrait permettre au public d’accéder au site.

Le site fin 2021

Nouveau rebondissement fin septembre 2017, Vinci annonce la suspension des travaux jusqu’à nouvel ordre et ce peut-être sous l’action d’Emmanuel Macron qui avait été sensibilisé au sujet lors de son passage à Marseille le 21 septembre. Au final, après des mois de rebondissements, de manifestations citoyennes et d’un suivi très large de la presse c’est la déception des défenseurs du site, la ministre de la Culture Françoise Nyssen a décidé de ne protéger que 635 m² et de les classer monument historique. Un engagement validé et voté au cm près par le conseil municipal de Marseille le 11 décembre 2017. Un accès restreint au site a été prévu, neuf jours par an, à partir d’une étroite bande d’accès et lors de visites organisées. Mais nouvel épisode en septembre 2021 les services de l’Etat recommandent l’enfouissement de la carrière de pierre, actuellement protégé par un simple tissu, pour conserver le site, très fragile et en proie à une dégradation rapide. Dans le journal 20 Minutes Jean-Marc Coppola, adjoint à la culture de la ville de Marseille relate que

« le 12 novembre 2020 nous avons été questionnés par l’Etat sur trois hypothèses. La présentation des vestiges sous un toit construit, pour une enveloppe de deux millions d’euros. Une solution intermédiaire, avec des fenêtres archéologiques sous vitrage, ce qui coûterait 760.000 euros. Et l’enfouissement qui de toute façon coûterait aussi 500.000 euros. Le classement en monument historique pris par Françoise Nissen visait à permettre la mise en visibilité du site, et nous restons sur cette idée-là ». Au final le 11 novembre 2022 un communiqué annonce que les travaux de réenfouissement seront réalisés en 2023 pour 450 000 € ! Les associations sont de nouveau mobilisées et le combat continue. En mai 2023 des discussions sont à nouveau en cours entre l’État et la Ville pour trouver le moyen de conserver et transmettre les vestiges !!! En même temps le Comité du Vieux-Marseille avait déposé un recours contentieux auprès du tribunal administratif. En octobre on apprenait qu’ils seront finalement partiellement préservés, mis en valeur sous une ombrière et accessibles au grand public deux fois par an.


SOURCES C.I.Q Saint Victor – Corderie – Tellène et rues adjacentes & La Provence & Jean-Noël Severini & 20 Minutes & Wikipedia Carrière antique de la Corderie
PHOTOS Dominique Milherou Tourisme-Marseille & Sitearcheocorderie (photos de la carrière) & Archives non créditées
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Avis sur cette fiche
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  • 6 février 2022 at 16:18

    Bonjour , c'est bien triste mais les intérêts financiers priment sur la culture et pour ce qui est des carrières antiques j'en connais une sur Martigues qui est en train d'être comblée avec des déchets divers .

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